Le Carnaval de Québec, la plus grande fête hivernale au monde, rassemble près d’un million de carnavaleux. Il génère des retombées économiques, touristiques et sociales dans la région de Québec depuis 1955. L’événement s’inspire des manifestations hivernales de la fin du XIXe siècle qui ont lieu à Montréal et à Québec, et met en valeur des activités hivernales, familiales et traditionnelles du Québec. Le port de la ceinture fléchée et l'Effigie de Bonhomme, le Palais de glace et les compétitions sportives hivernales sont nombre des traditions valorisées durant la tenue de l’événement. Certaines remontent aux origines du Carnaval de Québec en 1955, et d’autres, plus anciennes, font partie des traditions festives et sportives hivernales québécoises.
Le Bonhomme Carnaval salue la foule de carnavaleux, © IREPI
Le Carnaval de Québec propose une abondance d’activités, soit des parades dans deux secteurs de la ville (la Haute et la Basse-Ville), des sculptures sur neige, des courses en canot à glace, de chiens de traineaux, de raquettes et de tacots ainsi que des spectacles et des animations variés. Les festivaliers ont également la possibilité de patiner, glisser ou encore de prendre part au fameux bain de neige qui se tient chaque année. Des symboles associés à l'événement reviennent chaque édition du Carnaval, tels que le Bonhomme Carnaval, personnage emblématique de l’événement et son Palais de glace.
Le Carnaval de Québec est une fête hivernale d’une durée d’environ deux semaines. Jusqu’en 1971, il se termine le Mardi gras, veille du Mercredi des cendres. Ce dernier marque le début d’une période de carême, soit une période d’abstinence et de privations de quarante jours instituée par l’Église chrétienne en référence au jeûne effectué par Jésus-Christ. Ainsi, à partir de 1972, les dates de tenue du Carnaval ne sont plus déterminées en fonction du calendrier liturgique. L’événement se termine un dimanche soir. En 2012, il s’est déroulé du 27 janvier au 12 février.
Chaque année, lors de la cérémonie d'ouverture du Carnaval, le maire de la ville de Québec remet les clés de la municipalité à l’ambassadeur de l’événement, le Bonhomme Carnaval. Ce geste symbolique témoigne de l'envergure de l'évènement et de l'étendue des festivités. C'est la ville qui devient le site de la fête. Des espaces sont aménagés sur les Plaines d’Abraham et dans des quartiers centraux de la ville, le Vieux-Québec et Saint-Roch, pour accueillir le public et proposer diverses activités.
L’événement rassemble la population de la communauté urbaine de Québec et des touristes en provenance du Canada et de l’étranger. Depuis 1955, il est organisé par un président, un conseil d’administration, un comité exécutif, des employés et des bénévoles. En 2012, l’organisation compte plus de 40 employés et 1400 bénévoles. L’événement est financé notamment grâce à des commanditaires, des subventions et des activités d’autofinancements, tels que la vente de bougies et les effigies permettant aux carnavaleux d'accéder à tous les espaces festifs du Carnaval.
Comme le souligne Sylvie Dufresne, auteure sur le Carnaval de Québec, la ville de Québec, « capitale de la neige », met en valeur la glace et la neige tant dans les constructions que les activités carnavalesques, symbolisant la vitalité et l’ingéniosité d’une population qui a adapté à son avantage sa vie sociale et ses pratiques ludiques à la saison froide.
Des carnavaleux collectionnent les effigies de chacune des éditions de l'événement, © IREPI
Depuis 1955, le Carnaval de Québec a attiré un grand nombre de spectateurs et de participants dont plusieurs sont restés fidèles. Nombre d'entre eux se distinguent du reste de la foule en arborant des signes particuliers ou en portant un costume considéré comme traditionnel. Ces marques de distinctions servent notamment à afficher leur adhésion au Carnaval et à affirmer leur fidélité. Leurs costumes attirent les curieux et stimulent les échanges entre les participants. Par ailleurs, le terme « carnavaleux » a intégré le Grand dictionnaire terminologique de l'Office de la langue française aux côtés d'autres termes carnavalesques tels que « bonhommerie » et « caribou ». Un carnavaleux est une : « personne qui participe à un carnaval (...). Carnavaler signifie faire la fête, plus spécialement durant le carnaval. » (Jean Provencher, p. 97) Certains objets sont d'emblée associés au Carnaval et passent pour des incontournables. C'est le cas d'une reproduction des ceintures fléchées nouant les manteaux des Québécois au XVIIIe siècle, la trompette rouge dans laquelle souffle les carnavaleux pendant les festivités et le caribou, une boisson alcoolisée consommée au cours des festivités.
Les costumes portés par les participants s'inspirent souvent de l'image des coureurs de bois ou des Amérindiens, ou encore le port d’accessoires considérés traditionnels. Par exemple, certains portent des « bottes de sauvages », manteau à franges et « capot de poil ».
Des informateurs rencontrés en 2008 participent au Carnaval de Québec depuis environs trente ans. Ils se sont même rencontrés lors de l’une des éditions. Daniel Roy, originaire de la Gaspésie, est un fidèle partisan depuis les débuts du Carnaval. Son père avait l’habitude de l’y amener à tous les ans et ce, dès son très jeune âge. Ce qui distingue Daniel Roy et ses amis des autres carnavaleux est sans contredit leur collection d’effigies et d’objets promotionnels à l’image du Carnaval, ainsi que leurs souvenirs communs de chacune des éditions. Durant les festivités, ceux-ci sont couverts d'une multitude de symboles et d'objets particuliers au Carnaval comme les effigies de toutes les éditions, mitaines, manteaux et chapeaux comportant l'image de Bonhomme.
Des participants du Carnaval dans les rues du Vieux-Québec, © IREPI
Des fêtes hivernales s’organisent dès la Nouvelle-France lors des jours gras, soit de la fête des Rois jusqu’au Mardi gras. En raison des conditions climatiques sous le point de congélation, il s’agit d’une période d’inactivité propice aux veillées de chants, de musique et de danses. Elles rassemblaient les familles et les voisins (Jean Provencher).
À partir du XIXe siècle, des festivités carnavalesques répondant à des objectifs différents sont organisées. Dans les années 1890, les premiers carnavals proposent des mascarades, des compétitions sportives et la construction d’un Palais de glace. Un premier carnaval d’hiver s’est tenu à Montréal en 1883. Le Carnaval de Montréal a également eu lieu en 1884, 1885, 1887 et 1889. Il proposait des sports d’hiver pratiqués au Québec, tels que la raquette, le curling, le patinage et la glissade sous forme de compétitions. En plus de ces activités hebdomadaires, d’autres sont offertes aux visiteurs de manière ponctuelle comme des marches aux flambeaux, des défilés, des soirées mondaines et l’attaque du Palais (Sylvie Dufresne). Ces festivités sont organisées par des clubs et des associations sportives anglophones de la métropole. Pour les promoteurs de la fête, les objectifs du carnaval sont de réunir les clubs sportifs montréalais lors d’une rencontre amicale, de promouvoir la ville auprès des Américains et des Canadiens à des fins commerciales et touristiques. Délaissé par les promoteurs, la manifestation est abandonnée en 1890.
Constatant l’engouement que semblait susciter le Carnaval de Montréal, des citoyens de la ville de Québec ont organisé un carnaval, d’une durée de trois jours, dans la capitale en février 1883. D’après Sylvie Dufresne, auteure de l’ouvrage Le carnaval d’hiver de Montréal (1883 à 1889), l’événement de Québec s’est déroulé dans l’ombre de celui de Montréal. Après la disparition de la fête à Montréal, le concept a été repris à Québec en 1894 : « Le Palais de glace, le programme des festivités principalement centré sur les activités sportives, les objectifs touristiques et commerciaux de la fête, y sont en tout point transposés. » affirme Sylvie Dufresne.
Durant les années 1890, la ville de Québec connaît un ralentissement économique en raison de la fermeture du chantier naval et des difficultés de l’industrie de la chaussure. Pour stimuler l’économie locale, Franck Carrel, propriétaire du Québec Daily Telegraph, suggère l’idée d’une fête hivernale. Le Carnaval de Québec, du 29 janvier au 3 février 1894, sous la présidence d’honneur du gouverneur général Lord Aberdeen, est organisé par des commerçants de la communauté anglophone de Québec. La programmation s’inspire des pratiques ludiques exercées par ce groupe culturel à l’époque, comme le curling, le ski et la raquette. Elle proposait aussi des défilés, des soirées mondaines et des mascarades. Un premier Palais de glace a été construit. Comme à Montréal, la fête se terminait par une attaque du monument et un feu d’artifice. La fête donne le ton à l’édition suivante, 1896. Les festivités carnavalesques organisées en 1901, 1908, 1912, 1920, 1924, 1926, 1930, 1931 et 1939 n’avaient toutefois pas la même envergure (Jean Provencher).
Dès les années 1950, la direction de l’office municipal du tourisme de Québec propose de recréer un carnaval d’hiver inspiré des fêtes de la fin du XIXe siècle. En 1954, un regroupement d’hommes d’affaires a la volonté de stimuler l’économie et l’industrie touristique, mais aussi d’organiser une fête populaire. De plus, des sculptures de neige et de glace sont érigées dans la ville. La programmation propose des défilés, des activités sportives et un Palais comme lors des premiers carnavals d’hiver. Les activités carnavalesques s’inspirent notamment de sports hivernaux, dérivés de moyens de locomotion, utilisés d’abord par les Amérindiens, puis par les Canadiens. Ainsi, les courses en canot, les promenades en raquettes et les glissades en toboggan sont devenues des sports au cours du XIXe et du XXe siècles (Cap-aux-diamants no 64, 2001, p.26).
Des figures dominantes rassemblent les festivaliers et suscitent l’enthousiasme : Bonhomme Carnaval, la reine et ses duchesses. Avec le roi de la fête et le Palais, la reine et ses duchesses étaient des signes de la royauté jusqu’à la disparition de cette tradition en 1997. Chacune d’entre elles représentait un duché, un territoire de la région de Québec, qui l’avait élue. Chaque année, l’une des duchesses devenait la reine du Carnaval. En 1997, les Knucks ont fait leur apparition et les duchés ont été remplacés par des bonshommeries.
Au fil des années, la fête s’est transformée pour s’adapter à la société dans laquelle elle prend place. Les activités changent au gré de leur popularité et du financement disponible. À partir de 1996, l’organisation a réorienté le carnaval en fête populaire, hivernale, à caractère familial.
Carnaval de Québec. Carnaval de Québec. (En ligne). Adresse URL : http://www.carnaval.qc.ca/fr/index.asp (page consultée le 6 mars 2012)
Dufresne, Sylvie. 1980. Le carnaval d’hiver de Montréal (1883-1889). Montréal : Presses de l’Université du Québec, 214p.
Lacroix, Georgette. 1995. Québec d’un Carnaval à l’autre. Vanier : Éditions Vient de la Mer. 63p. et 1984. Le Carnaval de Québec : Une histoire d’amour. Montréal : Éditions Québécor. 199p.
Les Archives de Radio-Canada. Carnaval de Québec, fête de l’hiver. (En ligne). Adresse URL : http://archives.radio-canada.ca/IDD-0-10-500/vie_societe/carnaval_quebec/ (page consultée le 14 mars 2012).
Provencher, Jean. 2003. Le Carnaval de Québec la grande fête de l'hiver. Éditions MultiMondes et la Commission de la capitale nationale du Québec, 144p.
« Plaisirs d’hiver », Cap-aux-diamants, no64, Hiver 2001, 61p.
«Les cent ans d'un carnaval! Les traces de l’hiver», Continuité, no 59, hiver 1994, p. 12-24.
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