Le chien de traineau est issu d'un métissage culturel entre les Autochtones, ayant introduit la domestication des chiens en Amérique, et les Européens utilisant des animaux de trait. Au fil des années, la pratique a pris la forme de compétitions amicales entre les famille détentrices de chiens de trait. Les courses de chiens de traineau se sont institutionnalisées en 1957.
La course de chiens de traîneaux est une compétition où des individus coursent sur des traîneaux attelés à des chiens. Il y a entre 9 et 10 courses de chiens de traîneaux chaque année. Les courses débutent la deuxième fin de semaine de janvier et se terminent la deuxième fin de semaine de mars. Elles se déroulent la fin de semaine, du vendredi au dimanche. Le vendredi soir, les participants arrivent et on procède au tirage au sort pour déterminer les positions de départ. C’est aussi le moment où les participants qui ne s’étaient pas inscrits à l'avance pour la course peuvent le faire. Cette étape se fait évidemment avant les tirages qui se déroulent vers 21 h. Le samedi matin, les organisateurs assignent les places de stationnement et les courses sont prêtes à commencer. Habituellement, les premières courses sont celles à quatre chiens. On termine habituellement avec la classe illimitée où plus de chiens courent. La différence entre les classes est le millage. Plus il y a de chiens attelés ensemble, plus la longueur de la courses sera longue. Guy Dufour explique : « si tu as six chiens, c’est six miles, si tu as huit chiens, c’est environ huit miles et la classe illimitée, c’est au moins douze miles et plus de distances ». Dans cette classe illimitée, le « musher » (nom donné au maître d’attelage à partir d'une anglicisation de l'ordre ""marche"" qu'on disait aux chiens pour qu'ils avancent) peut mettre autant de chiens qu’il le veut. Le dimanche matin, il peut aussi y avoir une course spécialement pour les jeunes enfants. Avec seulement un chien, ils parcourent environ 500 à 600 pieds.
Les chiens commencent à être entrainés à l’âge de 18 mois. Sur une portée de six ou sept chiens, seulement un chien ou deux (et parfois aucun malheureusement) a le profil pour courir dans les compétitions. Tout dépend du calibre de compétition. On le voit lorsqu’on commence à les faire courir. Certains ont l’endurance, d'autres la rapidité. Un chien de course doit posséder ces deux caractéristiques. L’entrainement des chiens débute à l’automne (en septembre) sur des roues. On commence par parcourir des circuits de deux miles avec les chiens, jusqu’à des circuits de six ou sept miles. On attache les chiens à un quatre-roues (motorisé) grâce auquel on peut contrôler la vitesse. Le musher utilise un vocabulaire spécifique pour s'adresser aux chiens: «Ha!» pour signifier aux chiens qu’il faut tourner à gauche et «Dgi!», pour tourner à droite. Chaque jour, il faut soigner les chiens. Dans la famille Therrien, on leur donne évidemment de l’eau et un mélange de poulet et de moulée. L’hiver, on leur ajoute aussi de la vitamine.
L’équipement nécessaire pour courser est avant tout le traîneau, appelé aussi le «sley». Les traîneaux sont faits en bois ou en aluminium. La différence entre ces matériaux est la malléabilité du traîneau dans les virages. Le traîneau est assis sur deux lisses, qui s’entretiennent comme des skis. Il y a des techniques du corps pour diriger le traîneau qu’on compare avec le ski. Quand on veut tourner à gauche, on se penche vers la gauche et quand on veut tourner à droite on se penche dans cette direction. La famille Therrien court surtout avec des traîneaux en bois, ce qui demande un peu plus de force lorsqu’il faut tourner, il est parfois nécessaire de sortir le pied. Il faut un bon équilibre pour diriger le traîneau.
Un sac est aussi placé sur le dessus du chariot au cas où un chien se blesserait. Il serait alors mis dans le sac. Un frein entre les deux patins permet d'arrêter brusquement le traîneau en cas de nécessité, mais certains, comme les Therrien, placent plutôt un tapis qui permet de ralentir la cadence et ceci sans abîmer les pistes. Une ancre est aussi nécessaire pour attacher les chiens. Chaque chien a un harnais qui est attaché à un câble qui relie tous les chiens. Celui-ci est lui-même attaché à un mousqueton au traîneau.
La course de chiens de traîneaux s’apprend généralement au sein de la famille. Ce savoir se transmet de génération en génération. C’est d’ailleurs le cas de Guy Dufour et de la famille Therrien. L’entretien des chiens requiert beaucoup de temps, car c’est un travail qui s'échelonne sur toute l’année. Richard Therrien possède plusieurs chiens, mais plusieurs membres de sa famille participe à l'attribution des soins aux animaux. Il est possible de participer aux courses sans posséder de chiens, comme le fait maintenant Guy Dufour en tant qu’aidant.
La passion pour la course de chiens de traîneaux se transmet souvent au sein de la famille. Quand les enfants sont très jeunes, ils s'assoient dans le traîneau et font la course de cette manière avec un adulte derrière. Ils peuvent ainsi apprendre la manière de diriger le traineau. Dès que les enfants sont capables de se tenir debout, ils peuvent participer à de petites courses. À toutes les compétitions, il y a une course à un chien le dimanche. Dans certaines compétitions, comme à celle de l’Isle-aux-Coudres, il peut y avoir plus de 40 enfants qui participent à cette course. Cette compétition permet d’initier les jeunes aux courses de chiens de traîneaux. Les jeunes apprennent le sport en pratiquant.
La domestication des chiens précède l’arrivée des Blancs en Amérique. Les chiens accompagnaient les Amérindiens à la chasse, faisaient sortir les proies chassées de la forêt ou les poursuivaient plus rapidement sur la neige pour faciliter l’abattage. Ils servaient aussi de bêtes pour hâler les traineaux chez les Inuits. Dans les aires subarctiques et du nord-est de l’Amérique, le recours aux chiens de trait n’existait pas traditionnellement chez les Algonquiens (qui constituent la plus grandes proportions des populations autochtones du Québec). Cette pratique a été introduite par les Européens, pour combler l’absence prolongée de chevaux de trait, pour charrier le bois, l’eau et les provisions. Lors d’expéditions militaires, il arrivait que des Amérindiens et miliciens attèlent deux gros chiens à une traine d’écorce pour y transporter les bagages. Ce type d’attelage constituerait donc d’un métissage culturel : plutôt que d’utiliser de petits chiens de chasse comme c’était le cas chez les Inuits, on recourait ici à des espèces plus grosses apportées par les Canadiens français, de même qu’on introduisait le vocabulaire français des commandements pour diriger les chiens de traineaux. C’est à la suite de la popularisation des chiens de trait que les Amérindiens ont aussi adopté cette pratique.
Les courses de chiens de traîneaux se sont institutionnalisées en 1957 lors de la fondation du Stadacona Sled Dog par Alfred Abel et qui devient, dans les années 1970, le CACQ (Club d'attelages de chiens de Québec). Par contre, les courses ont débuté bien avant cette période. À l’époque où l’automobile n’existait pas, la plupart des familles possédaient des chiens qu’elles utilisaient pour se déplacer en hiver sur la neige. Avec la popularisation de la voiture, les chiens de traîneaux ont seulement été utilisés pour faire de la course. Guy Dufour explique à ce sujet « que les courses de chiens sont nées de ceux qui avaient des chiens et qui disaient : "" moi, mon chien court vite, etc."" Ils faisaient des courses entre eux. » D’ailleurs, à l’époque du grand-père et du père de Richard Therrien, il y avait seulement trois ou quatre courses par année. Le dimanche, cinq ou six hommes se rencontraient et compétitionnaient entre eux, pour le plaisir et par le fait même, entrainer leurs chiens. Avant leur institutionnalisation, les courses étaient organisées dans certaines régions, entre autres autour de la ville de Québec. Les organisateurs acceptaient tous les dons, que se soit de l’argent ou des objets. Sur le site du CACQ, on explique que « les courses se faisaient souvent sur des routes de campagne plus ou moins entretenues, et étaient limitées à trois chiens. Tous les ""cadeaux"" étaient étalés sur une table et le gagnant se choisissait un prix en premier, ensuite le deuxième, et ainsi de suite. Les règlements étaient à peu près inexistants et bien des altercations éclataient pendant et après la compétition ».
http://www.cacq.org/
http://www.levillagedemusher.com/
Delâge, Denis, « Vos chiens ont plus d'esprit que les nôtres : histoire des chiens dans la rencontre des Français et des Amérindiens », Les Cahiers des dix, no 59, 2005.
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