Issue d'une famille de pêcheurs à l’anguille de Kamouraska, Bernard Lauzier transforme le poisson par fumaison et par des marinades selon des recettes familiales. Avec sa poissonnerie, il poursuit la tradition familiale en œuvrant dans le secteur des pêcheries, mais dans un contexte nouveau, un commerce de vente et de transformation.
La Poissonnerie Lauzier est née d'une longue tradition familiale de pêche à l'anguille. Elle vent, transforme et cuisine différentes variétés de poissons qui sont en général pêchés par les pêcheurs de la région. Cependant, la spécialité et la renommée de la poissonnerie repose sur les techniques et les recettes de fumage et de marinade de poissons. Leur mode de production est artisanal et les recettes proviennent, pour la plupart, de la tradition familiale. Les poissons offerts par la poissonnerie sont très variés mais certaines espèces, comme l'anguille ou l'esturgeon, sont spécifiques à la région. D'autres variétés (sole, turbot, morue, flétan, bourgot, truite, saumon, pétoncles, crevettes et crabe) font partie des produits réguliers. Les produits issus de la transformation sont nombreux et variables. Les principaux produits sont des poissons ou fruits de mer fumés ou marinés, des soupes, des pâtés, les « cipailles » (sea pie), des pizzas et quiches, des mousses, des coquilles de fruits de mer, des sauces béchamels, etc. L'ensemble des étapes qui entrent dans la fabrication se fait sur place selon un mode de production artisanal. La cuisine est située à l'arrière de la boutique. Le fumage se fait dans un fumoir en bois, construit sur un autre terrain que la poissonnerie.
Bernard Lauzier est issu d'une famille de pêcheurs d'anguilles de plusieurs générations. Le principal revenu de son père et de son grand-père provenait de la pêche, mais le poisson qu'ils fumaient était généralement réservé pour leurs propres besoins. Bernard sera donc initié très tôt au monde de la pêche et aux méthodes de fumage. En effet, dès l'âge de cinq ans, Bernard est appelé à suivre son père sur son bateau de pêche où il se familiarise avec ce métier. Il s'inspirera aussi de l'expérience des membres de sa famille pour élaborer des recettes de marinades, de saumures et des autres produits offerts dans sa poissonnerie. C'est donc au fil de ses essais et de ses erreurs qu'il maîtrisera finalement son art. Son apprentissage s'est fait et se poursuit encore aujourd'hui d'une façon autodidacte. Les jeunes enfants de Bernard Lauzier participent aux divers travaux de la poissonnerie, ils viennent occasionnellement aider aux corvées ou pour répondre à la clientèle. Ainsi, la transmission que fait Bernard Lauzier est à l'image de celle qu'il a reçue de ses parents et grands-parents.
La pêche à l'anguille est le type de pêche la plus importante sous le Régime français. L'anguille est un poisson qui se conserve bien en plus d'être très abondant dans le Saint-Laurent. La période de pêche se déroule d'août à octobre. L'anguille naît et se reproduit dans la mer, mais se développe en eau douce. Cette particularité permet aujourd'hui de la conserver vivante dans l'eau douce après sa prise jusqu'à la vente. Même si la pêche à l'anguille est pratiquée dans plusieurs régions de la province, « les plus abondantes se font au Platon-de-Lotbinière, à Lauzon et à Rivière-Ouelle » (Provencher, 1996, p. 370). L'anguille se capture à l'aide de fascines et se cueille à marée basse. D'autre part, elle est utilisée pour sa peau, coupée en lanière, elle donne la « babiche » d'anguille avec laquelle on fabrique des lacets qui servent à lacer différents objets. « L'ethnologue Paul-Louis Martin signale que la babiche d'anguille a connu une grande utilisation dans presque tous les villages riverains du Saint-Laurent » (Provencher, p. 372). Aujourd'hui, comme la plupart des variétés de poissons, les quantités d'anguilles déclinent de façon inquiétante, fragilisant ainsi le métier de pêcheur. Le grand-père et le père de Bernard Lauzier ont été des pêcheurs à la fascine tout au long de leur vie. L'anguille était leur principal revenu. À seize ans, Bernard Lauzier décide de suivre les traces de ses ancêtres et de devenir pêcheur. Il achète alors quatre pêches d'un pêcheur de Saint-André de Kamouraska avant de racheter les pêches de son père cinq ans plus tard. Comme les quantités de poissons diminuent d'année en année et que la pêche devient de plus en plus difficile, il décide d'apprendre à fumer le poisson dans le but d'en faire le commerce. L'ouverture de l’entreprise est une conséquence directe de la diminution du poisson dans le fleuve Saint-Laurent. Pendant quelques années, il pêchera le jour et fumera son poisson la nuit. Depuis maintenant onze ans, les pêcheries Lauzier ont pignon sur rue à Kamouraska. Aujourd'hui, Bernard Lauzier loue ses pêches et vend son quota à d'autres pêcheurs à qui il achète le poisson. Cette méthode assure la fraîcheur de son poisson. Même s'il se concentre sur son entreprise, il lui arrive encore à l'occasion d'aller pêcher l'esturgeon en mer. Depuis les débuts de l'entreprise, Bernard Lauzier travaille à améliorer ses recettes et ses produits. Il dit être toujours en apprentissage et démontre une grande volonté de répondre à la demande des clients locaux et occasionnels. Un des projets qu'envisage Bernard Lauzier est de se procurer un permis qui l'autorisera à distribuer ses produits dans les grands restaurants et à fumer tout au long de l'année.
Provencher, Jean. Les quatre saisons, Montréal, Boréal, 1996, 605 p.
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