Le bleuet est cultivé et cueilli en grande quantité dans la région du Lac-Saint-Jean. Le fruit est le symbole d’une ville de cette région, Dolbeau-Mistassini, aussi considéré comme la capitale mondiale du bleuet. Marcel Villeneuve relate la manière dont était cueilli le bleuet sauvage durant son enfance. De nos jours, la cueillette des bleuets est une pratique populaire exercée par nombre de familles de cette région.
Au Saguenay-Lac-St-Jean, la cueillette de bleuets, aussi nommé l'airelle à feuilles étroites (Vaccinium angustifolium), est une pratique populaire au mois d’août. Marcel Villeneuve a travaillé comme cueilleurs de bleuets une quinzaine d'année. Durant sa jeunesse, plusieurs de ses frères et sœurs participaient à la cueillette des bleuets. Après la période de récolte du foin, la famille Villeneuve partait plusieurs semaines en forêt pour cueillir des bleuets. La vente des bleuets était un revenu d'appoint pour la famille. Le revenu des bleuets pouvait permettre notamment de payer les dépenses scolaires des enfants. Le prix des boîtes de bleuets fluctuaient d'année en année, jusqu'à monter à 5$ autour de 1945, ce qui était relativement très élevé. Mais en moyenne, le prix se situait à 3$ la boîte. Ramassé à la main, le bleuet vaut deux fois le prix du bleuet industriel en bleuetière. Lors de la cueillette, les bleuets sont ramassés et déposés dans des boîtes pouvant contenir plusieurs livres de bleuets. Jeune, Marcel Villeneuve, utilisait des boîtes faites de bardeau de petites planches de 11 pouces de largeur et de 22 pouces de longueur. Le matin, dès 5h00, les cueilleurs commençaient à remplir les boîtes. Les endroits où l'on retrouve le plus de bleuets sont les lieux où poussent de grandes fougères, ainsi que les terrains dont la végétation a brûlé quelques années auparavant. Au Lac-Saint-Jean, il y a des bleuets sauvages partout. Le territoire qui contient le plus de bleuets sauvages est le nord du Lac Saint-Jean, de Saint-Prime jusqu'à Chibougameau. Les lieux de cueillette n’étant pas facile d’accès faute de chemin, la famille Villeneuve restait une semaine aux bleuets et habitait dans des cabanes construites quelques jours auparavant. Les lits étaient faits avec des branches de sapin ou des ballots de pailles. Avant de partir cueillir, les travailleurs devaient apporter à ce campement leurs vêtements, leur nourriture. Toutes les familles des paroisses au Nord du Lac Saint-Jean participaient à cette cueillette. Les cueilleurs trouvaient les talles lorsqu'il pleuvait. Une fois le beau temps arrivé, les gens s'y rendaient. Ils se dispersaient sur environ 3 kilomètres autour de la cabane pour trouver des talles. Le soir, les cueilleurs de bleuets criblaient et mettaient en boîte leurs fruits. Il fallait ensuite mettre les bleuets à l'abri de la lumière pour le lendemain. Ils se rendaient fréquemment au marché, à quelques kilomètres de là, pour vendre les bleuets. La saison de cueillette durait environ un mois. Lors des meilleures années, la cueillette se poursuivait jusqu'à la fête du travail. La population régionale mangeait beaucoup de bleuets pendant la cueillette, cuisinant des marmites de bleuets bouillis dans le sucre, ce qui donnait de bonnes confitures qu'ils dégustaient avec du pain. Pour économiser leur énergie, les cueilleurs de bleuets dînaient dans le bois et non au campement. À l'occasion, ils allaient pêcher pour compléter leur alimentation. Lors de voyages, Marcel Villeneuve a eu l’occasion de découvrir différentes façons de cultiver le bleuet. Il est notamment allé en Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique.
Marcel Villeneuve allait aux bleuets avec son père, ses frères et ses sœurs. Il a donc appris les rudiments de la cueillette de bleuets par la pratique, avec sa famille. Il existe encore des familles qui cueillent en forêt. La plupart des gens récoltent dans les bleuetières, ce qui est plus facile.
Anciennement, les cueilleurs ramassaient les bleuets à la main, à quatre pattes ou accroupis. Vers les années 1960, les gens ont commencé à cueillir les bleuets avec un peigne appelé une ramasseuse, mais le peigne écrasait les bleuets du dessous et les jeunes pieds. On a par la suite utilisé la méthode de la "tappe". À l'aide d'une grande chaudière, les cueilleurs ramassaient les bleuets en donnant un coup de main sur le plan. Cela fonctionnait seulement lorsque tous les bleuets étaient mûrs. Le soir venu, les cueilleurs utilisaient les cribles, composés d'un ventilateur et d'un tamis, pour éliminer les feuilles plus légères et les bleuets blancs plus lourds des bons bleuets. Les cueilleurs avaient besoin d'un permis familial émis par le gouvernement pour être autorisés à cueillir dans le bois et allumer des feux de campement. Cette période de l'été pouvait être dangereuse pour les feux. Les gardes-feux s’assuraient du respect des normes de sécurité. Lors de grandes sécheresses, les cueilleurs devaient arrêter leurs activités. Aujourd'hui, les techniques sont différentes. Le bleuet industriel est vendu dans des paniers et non plus dans des boîtes. Aussi, les instruments pour la cueillette ont changé et sont plus efficaces. Les bleuets sont ramassés à l'aide de peignes sur une machine à roues sans être criblés. Cette machine est appelée "patte d'ours". Ils sont criblés par la suite à l'eau directement à la bleuetière.
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