L'ensemble du territoire gaspésien regorge de petits fruits sauvages, des Plateaux de la Matapédia jusqu'au secteur nord de la Gaspésie, en passant par la Baie-des-chaleurs. Ainsi, de nombreux Gaspésiens s'adonnent à la cueillette des petits fruits sauvages tous les ans. Ils sont initiés à cette pratique dès l’enfance au sein du milieu familial. Une partie des fruits sont transformés en confitures ou en gelées à l’aide de recettes familiales transmises au fil des générations.
La cueillette de petits fruits sauvages est sans contredit une pratique ancrée dans les traditions de la population gaspésienne. Dès le début du mois de juillet, les Gaspésiens prennent d'assaut le territoire à la recherche des petites fraises des champs. Habituellement, il n'est pas nécessaire de se rendre très loin pour en trouver, puisque des « talles » (des massifs) de fruits sauvages se trouvent souvent à proximité des maisons. Les différentes particularités du territoire sont propices à la prolifération des fruits sauvages. Par exemple, on trouve principalement les framboises sauvages dans des secteurs ayant été bûchés. Les bleuets, pour leur part, sont surtout présents en grande quantité sur les terres qui ont été brûlées. S'ensuit la période de cueillette des framboises au début du mois d'août et celle des bleuets à la fin août. Les groseilles et les pimbinas (viorne trilobée et viorne comestible) sont aussi cueillis. Pour sa part, le pimbina est mûr au printemps et à l'automne, tout dépendant de la variété du pimbina sauvage. Les Gaspésiens apprécient passer des journées complètes à genoux dans les champs à ramasser à la main, un par un, les fruits sauvages qui vont leur permettre de faire des confitures, des gelées et des desserts pour l'année à venir. Il faut toutefois avoir une patience à toute épreuve pour réussir à passer plusieurs heures accroupi sous le soleil et entouré de moustiques et d'abeilles. De retour à la maison, il faut ensuite apprêter les fruits sauvages. La plupart de ces fruits sont destinés à la préparation de confitures ou de gelées maison. L'excédent est remis au congélateur pour une utilisation future. En ce qui a trait aux confitures, la recette est fort simple. Elle est semblable pour tous les petits fruits sauvages. Les deux ingrédients utilisés sont les fruits et du sucre blanc. Après avoir fait bouillir la préparation quelques minutes, il suffit de brasser la confiture durant une dizaine de minutes pour permettre aux fruits et au liquide de se mélanger uniformément avant d'être mis dans des conserves. Si cette dernière étape n'est pas faite, les fruits risquent de flotter au-dessus du liquide à l'intérieur des pots. Si vous avez la chance d'être accueilli dans une famille gaspésienne, il y a de fortes chances pour que vos hôtes vous servent une confiture maison aux bleuets, aux framboises, aux petites fraises des champs ou aux pimbinas.
La majorité des Gaspésiens sont initiés en bas âge à la cueillette des fruits sauvages par les parents ou les grands-parents. La cueillette terminée, il faut alors s'occuper de la transformation des fruits. Les recettes de confitures, de gelées et de conserves sont généralement transmises de mère en fille, mais il ne faut pas exclure nécessairement les hommes. Certains hommes perpétuent aussi la pratique de la cueillette et de la confection de confitures.
Avec la pêche et la chasse, la cueillette de petits fruits sauvages est un moyen que la population gaspésienne a rapidement développé pour se donner une meilleure chance de survie sur ce territoire hostile depuis sa colonisation. À la portée de tous, ces fruits sauvages sont présents sur l'ensemble du territoire, il suffit d'aller les cueillir. Si les confitures, les gelées et les desserts à base de ces fruits ont longtemps fait partie de l'alimentation quotidienne de la population régionale, ces produits étaient très prisés par la population urbaine. Encore aujourd'hui, plusieurs familles gaspésiennes n'ont jamais en leur possession de confitures achetées à l'épicerie, ils consomment uniquement des confitures maison.
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