La réalisation de sculptures sur neige ou sur glace fait partie de la programmation des carnavals d’hiver depuis la fin du XIXe siècle. Au Québec, professionnels et amateurs créent des œuvres éphémères durant l’hiver. En 1973, l’activité prend la forme d’un concours international dans le cadre du Carnaval de Québec. Ce dernier jouit d’une réputation internationale. Le Carnaval de Québec est d’ailleurs l’un des plus vieux événements encore existant proposant un concours de sculpture sur neige.
Sculpture sur neige finalisée, © IREPI
La sculpture sur neige se pratique uniquement durant la saison hivernale. La réalisation d’une sculpture requiert plusieurs heures de préparation. Le travail débute en été par le choix du modèle à réaliser. Une maquette est créée dans une matière comme la pâte à modeler, le styromousse ou la terre glaise, selon le choix du sculpteur. Plusieurs éléments sont pris en considération : les proportions de la sculpture, la fragilité de certaines parties de l’œuvre, sa stabilité et autres. À l’aide de la maquette, il faut mesurer les différentes parties du modèle à réaliser sur la neige et en établir les proportions en prévision du dégrossissage, la première étape de la conception d’une sculpture. Il s’agit de sculpter grossièrement le bloc de neige et d’extraire les principales formes géométriques qui composent la sculpture. Par la suite, il faut adoucir progressivement les lignes, en travaillant de plus en plus les détails. La dernière étape est le polissage de l’œuvre, effectué à une ou deux reprises. Il est important de mentionner que cette méthode n’en est qu’une parmi d’autres, chaque sculpteur ayant élaboré sa propre technique.
Les blocs de neige, d'une dimension imposante (8 pieds par 8 pieds par 12 pieds dans le cas du Carnaval de Québec), sont toujours donnés par l’organisme ou l’entreprise organisant le concours. Les blocs sont moulés environ une semaine à l'avance, afin que la neige durcisse. Elle est compactée mécaniquement jusqu'à 3 fois. Ainsi, selon la température, les blocs de neige peuvent devenir aussi durs que de la glace. La neige est néanmoins un matériau particulier. Ainsi, la neige est parfois mal compactée ou de mauvaise qualité, ce qui complique l’exécution de la sculpture. L’attribution d’un bloc de neige abîmé oblige parfois à modifier le plan original. En raison de la blancheur de la neige, un sculpteur doit accorder une attention particulière au jeu d’ombre et de lumière. Par exemple, un trait qui n’est pas suffisamment creusé, ne produit pas assez d’ombre et passe inaperçu puisque l’éclat de la neige reflète la lumière. Les œuvres aux dimensions imposantes sont fabriquées exclusivement de neige, l'usage d'aucun autre matériau n'étant autorisé dans les concours. Toutefois, il est possible d’utiliser de l’eau afin de la mélanger à la neige pour réparer les imperfections de l’œuvre sculptée. Les sculpteurs fabriquent généralement leurs outils en fonction de la sculpture à réaliser. En 2012, aucun outil adapté à cette pratique n'existe sur le marché. La pratique de la sculpture sur neige crée une œuvre d'art éphémère qui fond ou est altérée en raison des conditions climatiques. La création peut aussi être détruite après le concours, pour des raisons de sécurité.
La sculpture sur neige est un travail d’équipe. Les concours de sculptures réunissent le plus souvent des équipes de trois personnes, chacun ayant sa spécialité ou son talent particulier. Les concours se déroulent en continu pendant 30 ou 40 heures. Ce sont donc des événements très exigeants pour les participants, qui dorment peu, voire pas du tout lors des concours.
Les concours de sculptures sur neige se pratiquent en général sur de vastes espaces extérieurs, là où plusieurs équipes de sculpteurs peuvent travailler en même temps. Par exemple, au Carnaval de Québec, le concours se tient sur les Plaines d'Abraham, sur une aire suffisamment vaste pour accueillir le concours et des milliers de visiteurs.
Sculpture sur neige en fabrication, © IREPI
Les personnes rencontrées ont appris à sculpter la neige par l'expérience, par essais et erreurs. Toutefois, une formation artistique de base ou des aptitudes en art aide à maîtriser la technique. Le savoir-faire se transmet d'abord au sein du réseau des concours de sculpture sur neige. Par exemple, Denis Gaumond a transmis son savoir-faire à un ami au moment où ce dernier a intégré son équipe et participé aux concours avec lui.
Le Carnaval de Québec a créé un volet Relève à son concours de sculpture sur neige. Ce volet promeut la pratique auprès des étudiants des programmes d’art des niveaux collégial et universitaire. Il vise à assurer la continuité et le développement de la sculpture sur neige (Site Internet du Carnaval de Québec).
Les carnavaleux déambulant dans l'allée des sculptures sur neige, © IREPI
Les sculptures de glace et de neige sont nombre des principales activités des carnavals d’hiver du Québec. On en retrouve déjà au Carnaval de Montréal en 1885. De telles œuvres sont également présentes lors des carnavals d’hiver à Québec (Sylvie Dufrense). En 1894 et 1896, elles sont réalisées par l’artiste-sculpteur, Louis Jobin. En 1928, la façade du Club Automobile de Québec, situé au coin des rues Buade et des Jardins, est décorée d’une sculpture de glace (Site Internet du Carnaval de Québec).
Depuis la reprise des festivités carnavalesques à Québec en 1955, les œuvres ont été sculptées par des amateurs, notamment les résidents de la rue Sainte-Thérèse (1960 à 1990) et par des professionnels dans le cadre de concours nationaux et internationaux (Jean Provencher). Durant leur jeunesse, Denis Gaumond et ses frères Michel, Pierre et Louis, s’amusaient, à chaque hiver, à construire un igloo sur le vaste terrain de la maison familiale, faisant face à la rue Grande-Allée, située à Québec. Puis, une année, ils ont eu l’idée d’ériger des monuments de neige. En 1954, ils sont remarqués par un journaliste du Journal Le Soleil. Ce dernier aurait alors décidé d’organiser un concours de sculpture sur neige. Puis, l’année suivante, le Carnaval de Québec intégre la construction de ces monuments à la programmation. En 1973, un concours, l’International de sculpture sur neige du Carnaval de Québec, fait son apparition. L’année suivante, on y ajoute un volet canadien, et en 1982, le volet québécois. Les concours se déroulent les trois jours de la première fin de semaine du Carnaval de Québec, alors que le volet international dure toute la semaine suivante. En 1998, 25 ans après la première édition du concours, un quatrième volet est créé, celui de la Relève (Site Internet du Carnaval de Québec).
Carnaval de Québec. Carnaval de Québec. (En ligne). Adresse URL : http://www.carnaval.qc.ca/fr/index.asp (page consultée le 6 mars 2012).
Dufresne, Sylvie. 1980. Le carnaval d’hiver de Montréal (1883-1889). Montréal : Presses de l’Université du Québec, 214p.
Lacroix, Georgette. 1995. Québec d’un Carnaval à l’autre. Vanier : Éditions Vient de la Mer. 63p. et 1984. Le Carnaval de Québec : Une histoire d’amour. Montréal : Éditions Québécor. 199p.
Les Archives de Radio-Canada. Carnaval de Québec, fête de l’hiver. (En ligne). Adresse URL : http://archives.radio-canada.ca/IDD-0-10-500/vie_societe/carnaval_quebec/ (page consultée le 14 mars 2012).
Provencher, Jean. 2003. Le Carnaval de Québec la grande fête de l'hiver. Éditions MultiMondes et la Commission de la capitale nationale du Québec, 144p.
La réalisation de l’Inventaire des ressources ethnologiques du patrimoine immatériel a été rendue possible grâce à l’appui de nos partenaires.