Baltazar Oliveira, expression de la musique traditionnelle portugaise du Québec

Baltazar Oliveira

Musicien accordéoniste

Forme d'expression

Intérêt patrimonial

Baltazar Oliveira est un musicien renommé de la musique traditionnelle portugaise à Montréal. Membre actif du groupe Cana Verde, il détient des savoir-faire issus de la tradition musicale et dansée du Minho, une province du nord du Portugal. Il est considéré par ses pairs comme le meilleur accordéoniste du genre au Québec. Son expertise musicale, son talent de recréation et d’adaptation du répertoire et des chorégraphies, ainsi que son dévouement au sein des groupes dédiés à la musique traditionnelle portugaise, font de lui un pilier important de la survie et de la transmission du patrimoine culturel du nord du Portugal en sol Québécois.

Description de la forme d'expression


Baltazar Oliveira à l'accordéon, juin 2011, © IREPI

Le répertoire de Baltazar est surtout composé de musiques de danses provenant de la province du Minho au nord du Portugal. On y retrouve principalement trois types de pièces traditionnelles : vira, chula et ce qu'il nomme la cana verde. D’un point de vue structurel, la vira est ternaire alors que la chula et la cana verde sont binaires. C’est le jeu de la basse qui permet de différencier un style d’un autre en imposant à la pièce musicale une identité rythmique et culturelle. En effet, ces formes musicales sont présentes dans différentes régions du Portugal.


Pour Baltazar Oliveira, les inventions chorégraphiques sont des espaces de création au sein desquels la musique dédiée à la danse se transforme elle aussi. Lors du processus de création, les pas de base restent les mêmes, mais les figures inventées imposent leurs formes au répertoire musical qui doit s’adapter à la vision du créateur. C’est ainsi que s’alimentent la singularité et l’originalité des danses et de la musique traditionnelles portugaises. À cet effet, la territorialité du répertoire est primordiale. En plus de s’exprimer dans le répertoire et ses formes musicales, elle s’impose par le vêtement affichant des expressions et couleurs locales. Selon Carla Oliveira, la fille de Baltazar, l’emphase mise sur l’identité en terrain portugais impose un cadre rigoureux aux danseurs. En effet, c’est dans la mise en place des détails, qu’un groupe folklorique représentant d’un village se démarque de celui du village voisin. Par ailleurs, au Québec, ce souci du détail perd de son importance. Le seul fait d’exécuter des danses
folkloriques portugaises suffit à se démarquer de la masse. En contexte québécois, Baltazar Oliveira aime bien contribuer par sa créativité au répertoire et aux chorégraphies du groupe. Le musicien, faisant aussi office de meneur, choisit le répertoire du groupe selon la fonction identitaire du style et son esthétique personnelle (la complexité du jeu de la main droite et le rythme).  De plus, il prend en compte le potentiel chorégraphique de la pièce musicale. En effet, le groupe est composé majoritairement de jeunes aimant les défis chorégraphiques et les rythmes enlevants. En contexte québécois, comme la survie du groupe dépend du nombre de participants, le plaisir est un des principaux facteurs assurant la continuité du groupe.  


Baltazar nous informe que le type d'accoréon dont il joue se nomme concertina au Portugal. Au Québec le même instrument est nommé accordéon diatonique. Le concertina portugais est utilisé pour jouer le répertoire musical de danses traditionnelles dans la région du nord du Portugal. Selon Baltazar, on retrouve l’accordéon piano dans les secteurs au centre du Portugal. L’accordéon chromatique est présent surtout au sud du pays lusophone. Un accordéon diatonique se différencie des autres types d’accordéon par son mode de production du son. L’accordéon diatonique produit un ou des sons différents à l’ouverture ou à la fermeture de la partie centrale qu’on nomme le soufflet. Un accordéon, dit piano ou à bouton chromatique ,produit le ou les mêmes sons à l’ouverture et à la fermeture du soufflet. Baltazar possède trois « concertinas » (accordéons diatoniques). Celui qu’il utilise le plus fréquemment est un Pedrosini fabriqué en Italie. L’instrument a été offert au groupe Cana Verde par des amis du Portugal. Cette concertina possède trois rangées de boutons correspondant aux gammes sol (12 boutons), do (11 boutons), fa (10 boutons). Parallèle aux boutons servant à produire la mélodie jouée par la main droite, on retrouve cinq boutons carrés, permettant d’élargir la sonorité et de transformer la couleur du son. Baltazar nomme cette sonorité, registres ou « musette ». Cette mécanique d’ajout vient augmenter le son de l’accordéon en jouant jusqu’à 5 notes simultanément. Sous sa main gauche, les notes basses sont au nombre de 12, ce qui donne 24 notes de base différentes avec le mécanisme poussé-tiré. Baltazar souligne que la concertina est limitée dans son répertoire par son mécanisme diatonique qui ne peut produire tous les types de musiques. Le jeu de la main droite, qui impose une maîtrise des trois rangées de boutons pour produire une mélodie entrecoupée et rythmée par des accords, constitue un critère important dans le choix esthétique du répertoire de Baltazar. La virtuosité et la qualité musicale reposent sur le choix des ornementations et sur la vitesse d’exécution de celles-ci, pour une pièce musicale donnée. La gestion des trois rangées de boutons jouées par la main droite est difficile à maîtriser. Pour Baltazar, la vitesse d’exécution exacerbée tue l’essence même de la musique « Il ne faut pas assassiner la musique » dit-il. Il préfère laisser aux jeunes les grands exploits rythmiques. De plus, la musique de Baltazar Oliveira, bien qu’il possède un répertoire varié, a pour fonction principale non pas l’écoute, mais bien la danse. C’est pour cette raison qu’en plus du défi technique d’exécution, la chorégraphie accompagnant cette musique constitue un critère de sélection important du répertoire. La musique doit animer les danseurs et porter leurs pas de danse, favorisant ainsi la cohésion du groupe. Inspirés par la chorégraphie, les arrangements musicaux de Baltazar sont alimentés dans son imaginaire par les mouvements et les figures de danse imposant leurs formes à la musique.


Apprentissage et transmission


Accordéon de Baltazar Oliveira offert au groupe Cana Verde, juin 2011, © IREPI

Le groupe Cana Verde est le lieu de transmission de la musique et de la danse. Les participants y sont multigénérationnels. Tous les Québécois y sont les bienvenus. Dans les années 1990, l’arrivée de Baltazar dans le groupe  constituait une relève qu’il considère avoir bien assumée. Son épouse Maria  et lui se sont engagés au sein de ce groupe. Ils ont d'abord transmis les pratiques, mais surtout le plaisir de faire du folklore, de danser, de jouer de la musique et de donner des spectacles. Ses enfants Joaquim (30 ans) et de Carla (33 ans) participent tous les deux au sein du groupe folklorique Cana Verde. Baltazar et Maria espèrent que leurs petits-enfants auront le plaisir de bénéficier de l'héritage culturel portugais. Quant à la danse, Baltazar, sa fille et son fils éprouvent des difficultés de recrutement de participants, surtout chez les membres masculins. Les nouveaux modes de vie semblent être la cause de la diminution des membres du groupe. Les plus vieux délaissent la pratique, alors que les plus jeunes sont mobilisés par le travail, les études et les amis.


Les choses ont bien changé depuis que Baltazar Oliveira a commencé à jouer de la musique traditionnelle portugaise. Au début, seuls les hommes jouaient de l’accordéon et les femmes chantaient et dansaient. Les instruments coûtaient trop cher. On interdisait aux femmes et aux enfants d’y toucher. De nos jours, selon le musicien, on retrouve de plus en plus de femmes qui s’intéressent à la musique et jouent de l’accordéon. D’ailleurs, deux jeunes filles natives du Québec, ayant un héritage culturel portugais, membres du groupe Cana Verde, connaissant bien le répertoire. Elles ont entrepris l’étude du jeu de la Concertina et du répertoire véhiculé par Baltazar. L'apprentissage se fait par oreille, c'est-à-dire, par imprégnation et imitation. Les jeunes filles utilisent aussi des enregistrements sonores et consultent Baltazar pour les passages difficiles. Sa fille Carla nous explique que son père n’est pas du genre à tout expliquer, mais plutôt à privilégier l’apprentissage par oreille et imitation. Lorsque les musiciens se retrouvent entre eux, ils s’échangent des pièces musicales. Selon Carla, Baltazar est une référence dans l’apprentissage du répertoire portugais.

Historique général


Baltazar Oliveira et son accordéon, juin 2011, © IREPI

Né au Portugal en 1945 dans la province du Minho, Baltazar Oliveira vit au Québec depuis près de 40 ans. Au début des années 1970, nouvellement marié, il immigre au Canada. Le couple a eu deux enfants. Carla et Joaquim sont tous deux nés à Montréal. Dans la famille Oliveira au Portugal, ses oncles étaient musiciens. L’un jouait de l’accordéon et l’autre de la cornemuse. Dès l’âge de 11 ans, il fait ses premières expériences musicales comme percussionniste au sein d’un ensemble philharmonique. Il y joue de la caisse claire. Par la suite, il s’initie à l’accordéon et à la gaita galega (cornemuse). Il prend par à divers groupes folkloriques. Pour Baltazar Oliveira, la musique a toujours été son « sport ». Comme il se plait à dire : « y en a qui jouait au soccer moi c’est strictement la musique que je voulais faire ». Dès ses premières années au Québec, il devient musicien dans un orchestre de musique de danse latine. Il y joue principalement de l’orgue et du synthétiseur, ainsi que l’accordéon quand le répertoire s’y prête. En 1992, après 15 années de musique professionnelle, il décide de se consacrer au folklore portugais montréalais. Il joint le groupe Cana Verde. Il constitue un élément de la relève, puisque le groupe a été fondé bien avant son adhésion. Pour s’intégrer, il s’initie à la « concertina » un accordéon diatonique à trois rangées. Sans cet instrument, il est impossible de jouer le répertoire de musique traditionnelle portugais. Il s’impose rapidement au sein de cette communauté de musique et de danse portugaises de Montréal. Il devient un modèle pour les autres musiciens du genre.
Aujourd’hui, Baltazar Oliveira est reconnu comme porteur des traditions musicales du nord du Portugal. Avec son groupe de musique et danse folkloriques Cana Verde, il est fréquemment invité à participer aux évènements interculturels de la Ville de Montréal comme représentant du folklore portugais. De plus, possédant un répertoire varié, il participe activement aux divers évènements festifs et religieux organisés annuellement par les Québécois d’origine portugaise. Par ailleurs, le groupe Cana Verde participe à différents programmes visant à faire connaître les pratiques culturelles portugaises vivantes au Québec, auprès des jeunes dans les écoles.


Autre localisation

  • Quartier : Plateau Mont-Royal

Sources

  • Nom du facilitateur ou des facilitateurs : Monique Provost
  • Date d'entrevue : 2011-06-20
  • Nom de l'indexeur ou des indexeurs : Monique Provost

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Photos

  • Baltazar Oliveira à l'accordéon, juin 2011, © IREPI
  • Accordéon de Baltazar Oliveira offert au groupe Cana Verde, juin 2011, © IREPI
  • Baltazar Oliveira et son accordéon, juin 2011, © IREPI
  • Accordéon de Baltazar Oliveira, juin 2011, © IREPI
  • Les motifs ornant l'accordéon de Baltazar Oliveira, juin 2011, © IREPI
  • Baltazar Oliveira, juin 2011, © IREPI

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