Accordéoniste: le répertoire d'Arthur Pigeon

Marcel Pigeon

Musicien, petit fils de Joseph-Arthur Pigeon

Forme d'expression

Intérêt patrimonial

Marcel Pigeon (1931-), frère jumeau de Philias Pigeon (1931-2010), est le petit-fils de Joseph-Arthur Pigeon (1884-1966), un accordéoniste qui a marqué l'espace culturel des musiques et danses traditionnelles québécoises du temps d’Alfred Montmarquette (1871-1944). Les « frères Pigeon » (Marcel et Philias), comme on les nomme dans le milieu des musiciens traditionnels québécois, se sont consacrés depuis 1979 à la diffusion et à la conservation du répertoire de leur grand-père. Ceux-ci ont effectué un retour à la musique à la suite du travail de valorisation de Mario Boucher dans les années 1980, qui effectuait des recherches sur un pas de danse rarement pratiqué et joué, le « valse lancier » aussi nommé le « valse quadrille ».

Description de la forme d'expression


Marcel Pigeon, entrevue juillet 2011, © IREPI

Marcel Pigeon perpétue la tradition musicale de son grand père Joseph-Arthur Pigeon à
travers le Québec, particulièrement à Laval
où l’ont adopté les Danseurs et musiciens de l’Île Jésus. L’organisme est dédié à la conservation et à la transmission des musiques et danses traditionnelles québécoises. Le musicien interprète la musique de son grand-père sur l’accordéon diatonique à une rangée de 10 boutons mélodiques et 2 basses. Il se fait une fierté de jouer sur un instrument fabriqué au Québec par Marcel Messervier. Lorsqu’on demande à Marcel Pigeon comment un accordéoniste se distingue d’un autre, il nous répond que c’est par son répertoire que se caractérise un musicien. Celui de son grand-père est composé de musiques de danse telles que la polka, le quadrille, le brandy, la valse. L'actuel répertoire Pigeon, fièrement diffusé par le petit fils de Joseph-Arthur, est reconnu pour la singularité de ses « valses lanciers » et « valses quadrilles ». Au dire de Marcel Pigeon, Mario Boucher aurait fortement contribué à la valorisation de ces formes de musiques de danse qui avaient pratiquement disparu. Elles ont été réintégrées dans le milieu du folklore québécois. Les recherches de Mario Boucher l’ont mené aux frères Pigeon lesquels, devant l’intérêt porté au répertoire du grand-père, se sont sentis interpellés par la démarche de Boucher et ont repris les activités de diffusion du répertoire familial.


Pierre Chartrand, praticien, historien et chercheur en danse traditionnelle et ancienne du Québec et de l’Europe, nous explique que le « valse lancier » est un type de quadrille qui inclut la fameuse figure des Lanciers, ainsi que certains passages valsés. Le Valse Lancier comprend donc 4 parties de quadrille ainsi qu'une 5e partie qui n'est en fait qu'une grande valse, sans aucun rapport avec la formation du quadrille. Le « quadrille des Lanciers » est composé vers 1815 en Angleterre, s'inspirant partiellement du quadrille français, selon Pierre Chartrand. De plus, l'ethnologue mentionne que la figure serait inspirée du corps militaire de la cavalerie des lanciers polonais qui déambulaient en rangées. Cette danse aurait voyagé à travers l’Europe du XIXe siècle sous différentes formes et les collectes (entre autres dans la famille Verret) permettent d’affirmer que le « lancier » s’est très bien implanté au Québec. Mais la rareté du « valse lancier », selon Pierre Chartrand, trouve son explication dans l’interdit du clergé pour les danses tournantes telles que la valse et la polka. L’Église catholique interdisait les danses qui favorisaient des contacts physiques entre hommes et femmes. Le seul fait de danser la valse constituait une forme de défi à l’autorité cléricale. Selon les recherches, la valse a été dansée dans les milieux urbains et s’est donc peu répandue dans les régions.


Selon Marcel Pigeon, ce sont « les techniques » du jeu musical qui permettent de différencier les uns des autres.  Selon lui, le « son » du musicien s’entend et à l’oreille on reconnaît chacunes des singularités sonores. Pour Pigeon, même s’ils jouent la même pièce qu’un autre, la personalité d’un musicien, tel que Philippe Bruneau par exemple, est facilement identifiable. C’est ce que l'ethnomusicologue Monique Desroches appelle la "signature musicale". Marcel Pigeon définit sa propre signature musicale comme un héritage du grand-père Pigeon.


Apprentissage et transmission


Accordéons de Marcel Pigeon, 2011, © IREPI

L’apprentissage des frères Pigeon s’est fait par imitation des gestes du grand-père et par la mémorisation des pièces du répertoire. Ils ont cependant bénéficié des nouvelles technologies émergeantes puisqu’ils pouvaient écouter les disques nouvellement enregistrés par leur grand-père, un type d’apprentissage moderne pour l’époque. On peut considérer l’écoute à répétition d’une pièce enregistrée comme une forme d’apprentissage orale, par imprégnation auditive, puisque celle-ci favorise la pratique par mémorisation. Marcel Pigeon n’a jamais enseigné la musique. Ses enfants n’ont pas repris le flambeau, pas plus d’ailleurs que les enfants de son frère Philias. La transmission aujourd’hui s’effectue plutôt par l’échange de répertoire avec d’autres musiciens. L’organisme les Danseurs et musiciens de l’Île Jésus constitue une plateforme importante de vitalisation du patrimoine musical et dansé québécois.

Historique général


Pochette de CD, Répertoire Joseph-Arthur Pigeon, 2011, © IREPI

Fils de Philias Pigeon (père) et d’Alice Desnoyers qui se sont mariés en 1928, Marcel Pigeon et son frère jumeau Philias fils (1931-2010) sont nés en 1931. Marcel et Philias Pigeon ont grandi à Montréal et sont les petits-fils du musicien connu Joseph-Arthur Pigeon, un accordéoniste qui a fait sa renommée dans les salles de danse montréalaises et québécoises. Sur les traces d’Alfred Montmarquette (1871-1944), qu’il remplaçait souvent lors des soirées de danse, Joseph-Arthur Pigeon enregistre dans les années 1930 34 disques dont certains sur étiquettes RCA et Star sont parmi les premiers disques de folklore québécois. Le musicien possédait aussi un répertoire commun avec Alfred Montmarquette, mais selon son petit-fils Marcel Pigeon, son grand-père se faisait un honneur de s’approprier les pièces musicales qu’il marquait de sa signature personnelle. Joseph-Arthur Pigeon a participé à un trio, Les trois Copains, devenu Le Trio Pigeon. Il  a eu sept enfants et aucun d’entre eux n’a suivi les traces musicales de leur père. Marcel et Philias Pigeon (petits-fils) avaient une fascination pour la musique et après ce saut de génération, ce sont Marcel et Philias, les petits-fils, qui ont transmis le répertoire familial.


Pour les jumeaux, tout a commencé par l’achat d’un nouvel accordéon par Joseph-Arthur Pigeon. Ils demandèrent à leur grand-père de leur faire don de son ancien instrument afin de pouvoir s’initier. Marcel et Philias se partageaient l’accordéon à tour de rôle par tranche d’une heure. Lors de leur visite chez leur grand-père, ils bénéficiaient de ses enseignements. De plus, le contexte était favorable à l’apprentissage, puisqu’ils ont grandi auprès de Philippe Bruneau (1934-2011), un des plus importants accordéonistes de folklore québécois qui habitait dans le voisinage. « Il nous a beaucoup appris » dit Marcel Pigeon, « il nous aidait et nous donnait des trucs ».
En 1946 à l’âge de 15 ans, les jumeaux participent à leurs premières soirées de danse. La carrière musicale des frères Pigeon se termine lorsqu'en 1951 chacun d'eux se marie et délaisse le monde des soirées dansées pour fonder une famille. Marcel et Philias Pigeon reprennent goût à l’accordéon en 1967 alors qu’ils rencontrent Philippe Bruneau dans un kiosque de l’Expo 67. L’année suivante à Terre des hommes, ils rencontrent Rénald Ouellet qui commandera pour eux des accordéons chez Marcel Messervier, une de ses bonnes connaissances. Les frères Pigeon recommencent à jouer  lorsque Philias Pigeon et Rénald Ouellet se rendent compte qu’ils sont presque voisins.
La rupture des jumeaux Pigeon avec la musique a duré 30 ans. Jusqu’au jour où, dans les années 1980, des recherches pour retrouver les traces d’un répertoire presque oublié fait remonter la piste d’un chercheur jusqu’aux frères Pigeon. Mario Boucher, du collectif de folklore urbain Zeugma, cherchait la trace d’un répertoire sur le point de disparaître, celui du « valse lancier ». Philippe Bruneau dirige Mario Boucher vers les frères Pigeon, ce qui a relancé la carrière musicale et la diffusion du répertoire Pigeon. Guy Leroux, membre des Danseurs et musiciens de l’Île Jésus à Laval, a proposé à Marcel Pigeon une collaboration avec l’organisme lavallois dédié à la pratique des musiques et danses de traditions québécoises, une relation encore florissante aujourd’hui.


Documentation

Bulletin
Mnémo
, "L'Héritage musical de Joseph Arthur Pigeon par Mario Boucher", 26 août 2009. www.mnemo.qc.ca/spip/.../l-heritage-musical-de-joseph, Le trio Pigeon enregistrement sonore et Biographie d'Alfred Montmarquette http://www.collectionscanada.gc.ca/gramophone/028011-1041-f.html

Sources

  • Nom du facilitateur ou des facilitateurs : Monique Provost
  • Date d'entrevue : 2011-07-20
  • Nom de l'indexeur ou des indexeurs : Monique Provost

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Photos

  • Marcel Pigeon, entrevue juillet 2011, © IREPI
  • Accordéons de Marcel Pigeon, 2011, © IREPI
  • Pochette de CD, Répertoire Joseph-Arthur Pigeon, 2011, © IREPI
  • Entrevue Marcel Pigeon 2, juillet 2011, © IREPI
  • Marcel Pigeon et son accordéon Mélody, 3, juillet 2011, © IREPI
  • Marcel Pigeon et son accordéon Melody 2, juillet 2011, © IREPI

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