Gérald Bilodeau

Trappeur

Personne

Intérêt patrimonial

En Abitibi, la trappe a longtemps été pratiquée par les peuples amérindiens pour se nourrir et se vêtir. Puis, dès le 17e siècle, les Eurocanadiens et les Métis ont exercé cette pratique pour le commerce de la fourrure. Gérald Bilodeau, trappeur, a appris les rudiments de ce savoir-faire au contact de son grand-père et de ses oncles maternels.

Description de la pratique, du savoir ou du savoir-faire


Né en 1957 à Beaucanton, Gérald Bilodeau pratique depuis son plus jeune âge le piégeage de différentes espèces d'animaux telles que le vison, la martre, le castor, le renard, le lynx, le loup, la belette et l'ours, généralement pour leur fourrure. Alors qu'il pratique principalement sur ses territoires de trappe, il rend quelquefois service à des éleveurs et cultivateurs en piégeant les espèces prédatrices qui attaquent le bétail. Depuis une cinquantaine d'années, la trappe est gérée par des lois gouvernementales et les trappeurs doivent désormais détenir un certificat de trappeur, ainsi qu'un permis émis par le gouvernement qui reconnaît deux types de terrain pour la trappe. Un terrain de piégeage est octroyé aux trappeurs professionnels, alors que les autres trappeurs pratiquent dans les territoires de zones libres appartenant au gouvernement. La trappe est une activité difficilement rentable aujourd'hui. Les territoires réservés aux trappeurs professionnels sont souvent trop petits. Les territoires de la Couronne utilisés par les autres trappeurs sont déboisés en raison des activités forestières. Alors que ceux qui ont un permis de trappe professionnelle ne peuvent pas pratiquer le piégeage en zone libre, il est possible pour les trappeurs non-professionnels de prendre plus d'un permis sur les territoires gouvernementaux. C'est ce que préfère faire Gérald Bilodeau. Le piégeage est pratiqué à l'intérieur d'un cadre saisonnier fixe selon les espèces chassées. Par exemple, la trappe des canidés est effectuée entre le 15 octobre et le 30 mars. L'ours est piégé à l'automne ainsi qu'entre le 15 mai et le 30 juin. Des quotas limitent la trappe à cinq espèces et fixent un nombre de prises dans le cas de l'ours et du lynx afin d’assurer la conservation à long terme des animaux. Gérald Bilodeau dispose de territoires de trappe dans la forêt boréale à plusieurs kilomètres de chez lui, ainsi que des terrains de son grand-père à proximité. Chacune des espèces est piégée selon une technique particulière. Gérald Bilodeau installe d'abord un appât sur le territoire naturel de l'animal. Lorsque celui-ci s'habitue à venir se nourrir, le trappeur installe le piège, à mâchoire ou à collet, lié à un déclencheur. L'animal qui tente de récupérer la nourriture, pénètre dans le piège et est coincé par le collet ou entre les mâchoires. Gérald Bilodeau visite ses pièges chaque jour afin de récupérer les animaux capturés. Les pièges sont conçus pour achever l'animal en le blessant le moins possible. Toutefois, les pièges fabriqués pour les grosses bêtes ne tuent pas toujours l'animal sur le coup, et c'est pourquoi le trappeur doit se rendre constamment sur place pour l'achever et réduire ses souffrances le plus rapidement possible. Gérald Bilodeau trappe en même temps tous les gibiers vivant sur un même territoire : castors, visons et loutres par exemple. Généralement, il doit empâter (mettre des appâts avant de poser les pièges) davantage pour le loup et le renard, des animaux plus difficiles à piéger. Par la suite, il récupère la fourrure et dépèce les animaux dans son garage au cours de l'hiver. Cette année, il a prélevé les peaux d'une centaine de martres, d'une soixantaine de castors, d'une quinzaine de visons, de cinq renards, d'un seul loup et de quelques belettes. Il est reconnu comme trappeur et chasseur dans sa région et il produit une bonne qualité de fourrure. La Compagnie de la Baie d'Hudson, en opération depuis 1670, récupère les fourrures : un agent d'achat visite chacune des villes et rassemble tous les trappeurs d'une région (ici La Sarre) pour les envoyer à Toronto. Les peaux sont évaluées et vendues par encan. Le site www.nafa.com fixe d'ailleurs tous les prix des fourrures. Les peaux sont ainsi vendues à un encan. Les principaux acheteurs sont européens. Les griffes et les dents des animaux sont troquées à une artisane membre de sa communauté qui fait de l'artisanat amérindien et métis. En retour, celle-ci lui fabrique à l'occasion des œuvres artisanales.


Apprentissage et transmission


Gérald Bilodeau a appris auprès de son grand-père maternel métis et de ses oncles qui possédaient des terrains de trappe. Son père ne pratiquait pas la trappe. Gérald a commencé vers l'âge de six ans en observant ce que faisait son grand-père. Les pièges se trouvaient à 600 pieds de la maison de son grand-père maternel. Gérald Bilodeau a cessé de trapper pendant plusieurs années et a travaillé dans le domaine de la foresterie. Il s'est remis à cette profession depuis peu. Le gouvernement lui avait préalablement demandé de suivre un cours et de passer un examen. Il a facilement réussi l'examen sans suivre le cours, car il a beaucoup d'expérience. Ses deux filles ne pratiquent pas la trappe. Gérald emmène aujourd'hui avec lui ses quatre petits-fils sur ses territoires de trappe. Selon lui, il n'y a rien de plus valorisant que d'apprendre à connaître la nature de cette façon et il affirme ressentir une certaine fierté à attraper une bête. Il emmènera d'ailleurs ses petits-enfants à la chasse lorsqu'ils seront un peu plus vieux.

Historique général


Avant l'arrivée des Européens sur le continent américain, les activités de trappe étaient essentielles aux Autochtones, leur fournissant nourriture, vêtements et abris. L'industrie de la traite des fourrures à partir du 16e siècle bouleverse profondément l'économie autochtone et l'équilibre de la faune, si bien que plusieurs espèces sont menacées, dont le castor. L'industrie de la fourrure diminue au 19e siècle, mais la pratique se perpétue encore aujourd'hui. Au Canada, on estime le nombre de trappeurs à près de 80 000, et moins de la moitié seulement sont d'origine amérindienne. La région de l’Abitibi-Témiscamingue a été exploitée par la traite des fourrures dès 1670. Plusieurs postes de traite s'y sont développés, tels les forts Témiscamingue et du lac Abitibi. Ces forts ont constitué un lieu d'échanges important entre les populations amérindiennes et les descendants de colons anglophones et francophones. Gérald Bilodeau est retraité et fait de la trappe depuis un an comme loisir, après avoir arrêté une vingtaine d'années. Autrefois, il partait en famille ou avec des amis piéger soit sur ses terres à proximité, soit dans les territoires de trappe en canot où il logeait plusieurs semaines dans un camp appartenant à un oncle. Gérald Bilodeau se considère comme un homme près de la nature. Ses activités de chasse et de trappe en forêt sont essentielles à son bien-être personnel. De plus, elles soulignent son lien identitaire familial. Les motivations liées à la pratique du piégeage ont évolué au fil des années. Si depuis plusieurs siècles la trappe a constitué une pratique de subsistance chez les premiers peuples et par la suite une activité économique prolifique liée au commerce des fourrures, de nos jours elle est devenue davantage une activité de loisirs. En effet, la valeur des fourrures a diminué de beaucoup, si bien qu'on ne peut plus réellement en vivre. Par exemple, une fourrure de martre qui se vendait 125 dollars il y a une trentaine d'années ne se vend plus que 50 dollars de nos jours. Les outils de piégeage sont constamment modifiés selon des normes gouvernementales visant à faire souffrir le moins possible l'animal. Par exemple, les mâchoires d'un piège ne doivent jamais se toucher dorénavant. Ces nouveaux pièges sont parfois critiqués par les trappeurs. Les pièges à martre qui sont en règle sont beaucoup trop forts et ils brisent la fourrure de l'animal. Gérald Bilodeau doit donc aujourd'hui ramener à son garage les martres gelées dans leur piège afin de les dégeler pour ainsi abîmer le moins possible les fourrures en retirant les bêtes des pièges.


Documentation

Ray, Arthur J., Compagnie de la Baie d’Hudson, Encyclopédie Canadienne, www.canadianencyclopedia.com

Sources

  • Nom du facilitateur ou des facilitateurs : Elise Bégin
  • Date d'entrevue : 2008-06-26
  • Nom de l'indexeur ou des indexeurs : Elise Bégin

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