La culture de la canneberge est une activité commerciale qui occupe une place de choix dans l'économie agricole centricoise. La région est la plus importante en terme de production de canneberges au Québec. C'est d'ailleurs au Centre-du-Québec que cette culture, sous sa forme commerciale, a commencée.
Fossé de drainage et champs en période estivale, © IREPI
La culture de la canneberge est unique. Sa culture diffère beaucoup de celle des autres fruits que l’on trouve généralement chez les producteurs québécois, comme les fraises ou les framboises. En effet, il ne s’agit pas de plants, mais plutôt de plantes rampantes. La canneberge doit donc être semée d’une manière spécifique à sa culture. Cette tâche est effectuée lors de la préparation d'un champ, et non sur une base annuelle contrairement à d'autres espèces végétales. Auparavant, on semait des bouts de plants à la volée dans les champs au printemps. De nos jours, on utilise une machinerie spécialisée pour ce faire. Avant de planter, on doit d’abord préparer le terrain en posant des drains afin de pouvoir garder ou éliminer l’eau au besoin. Des gicleurs sont installés afin d’arroser l’été et de protéger du gel l’automne. Un important réseau de canalisation est également installé afin de pouvoir inonder les champs à l’automne, lors de la récolte. On érige également des digues qui entourent chaque champ et qui permettront l’inondation. Une fois les champs bien établis, on étend des bottes de rhizomes sur le sol et on passe un rouleau pour les faire pénétrer dans le sable. Pour obtenir des rhizomes, le producteur taille lui-même ses propres plants ou utilise les retailles d’autres producteurs de la région. Il existe deux variétés de plants, soit la canneberge hâtive et la tardive, permettant de répartir la période des récoltes à l’automne. Une fois la plantation effectuée, on arrose régulièrement le plant afin de le tenir le plus humide possible et de l’aider à s’enraciner. Un nouveau champ prend jusqu’à 3 ans à se développer afin de devenir productif commercialement. Durant l’été, les producteurs louent des abeilles et des bourdons à certains apiculteurs locaux afin d’assurer la pollinisation des fleurs et la production des fruits. On effectue les récoltes chaque année après les premières gelées d’automne. C’est le gel qui crée la couleur rouge de la canneberge et qui lui donne ses propriétés antioxydantes. On doit cependant éviter le gel du printemps, néfaste pour le développement des fruits. Pour éviter le gel au sol, on arrose les plants à l’aide de gicleurs. Des thermostats sont installés à cet effet afin de gérer automatiquement l’arrosage.
La récolte est une période très intense pour les producteurs et leurs employés. Ceux-ci peuvent consacrer plus d'une dizaine d’heures par jour à cette tâche. Une fois les fruits récoltés et les champs vidés de leur eau, on remise les gicleurs et on effectue les réparations sur les systèmes de canalisation. Avant le gel des sols, on inonde les plants. La couche de glace protège les plants durant la saison hivernale. Sans cette protection, le plant subirait d’importantes variations de température, ce qui pourrait lui être fatal. En février, on souffle la neige accumulée pendant l'hiver afin d’atteindre la couche de glace créée l'automne précédent. On étend du sable sur la surface de glace. Au moment de la fonte de la glace, le sable accumulé protège les plants en retardant l’éclosion des insectes et le développement des mauvaises herbes.
La récolte est l’opération la plus spectaculaire dans la culture de la canneberge au Québec. Lorsque les fruits sont bien mûrs et prêts à être récoltés, on ouvre les vannes de la canalisation pour inonder les champs. Ceux-ci deviennent de véritables bassins d'eau. On fait monter l’eau dans les champs jusqu’à environ six pouces (15 centimètres) au-dessus du plant. Ensuite, une batteuse agite l’eau et permet le décrochage des fruits de leur plant. La canneberge étant un fruit doté d'une chaire constituée de cavités, elle flotte à la surface de l'eau. Une fois le battage terminé, on fait monter le niveau de l'eau. Les ouvriers entrent dans le bassin pour effectuer la récolte des fruits, l'eau étant à la hauteur des genoux. À l’aide d’estacades, on ramasse les canneberges pour les rassembler dans une même section du champ. Les étendues de champs étant très grandes, les vagues poussent les fruits dans le sens du vent, ce qui peut nuire ou aider à la récolte. Souvent, il faut attendre que les vents soient favorables pour effectuer cette opération afin de ne pas nuire aux travailleurs. Une fois les petits fruits rassemblés, on utilise une pompe reliée à un camion par des tuyaux. Un système de tuyauterie fait en sorte que l’eau se dirige dans le bassin suivant et que les fruits restent dans le camion. Les débris sont également filtrés et expulsés. Lorsque les camions sont pleins, ils se dirigent vers une usine de triage. Là-bas, ils se déchargent dans des bassins. Les fruits sont amenés par courroies dans l’usine pour être lavés, divisés selon leur qualité et emballés.
La majeure partie des récoltes du Centre-du-Québec est exportée vers les États-Unis, entre autresà la compagnie Ocean Spray, pour en faire la transformation. Le jus est d’ailleurs le principal produit issu de la production de la canneberge. De plus en plus de producteurs transforment eux-mêmes les fruits et offrent une vaste gamme de produits à la population québécoise, très friande de cet aliment.
Plants inondés, © IREPI
Le Centre d’interprétation de la canneberge de Saint-Louis-de-Blanford, en association avec des producteurs de canneberge régionaux, offre aux visiteurs la possibilité de découvrir les différentes facettes de la culture de la canneberge au Québec. Le centre est ouvert pendant la période des récoltes, à l’automne. Sous un grand chapiteau, les visiteurs apprennent les particularités de la culture de la canneberge et visionnent une vidéo descriptive de chacune des étapes de la production. Par la suite, les visiteurs se rendent en autobus chez un producteur local où ils effectuent une visite des champs en tracteur.
Inondation d'un champ, © IREPI
C’est à Lemieux, tout près de Saint-Louis-de-Blandford, que la première cannebergière a été développée au Québec. La municipalité est en fait la première paroisse à avoir été colonisée dans les Bois-Francs. Cependant, les premiers colons ont eu beaucoup de difficultés à s’installer sur le territoire, car les terres de la région sont pauvres et acides. Très peu de végétaux réussissent à croître dans ces conditions. L’agriculture était donc difficile. Ce type de sol fait aujourd’hui la renommée du village, car il est propice à la culture de la canneberge. En 1938, Carl Larocque devient le premier producteur de canneberges au Québec. Il découvre cette culture lors d’un voyage aux États-Unis. Il étudie les caractéristiques de cette plante, puis en importe sur ses terres, au Québec. Il est le seul producteur de canneberges au Québec jusqu’en 1983. On compte aujourd’hui une quinzaine de producteurs situés sur le territoire de Saint-Louis-de-Blanford et une quarantaine dans toute la région. Notre-Dame-de-Lourdes, le village voisin, est le deuxième plus gros producteur.
Bien que la culture de la canneberge ait été importée des États-Unis, le Québec est aujourd’hui passé maitre dans cette culture. Les producteurs québécois ont su développer différents outils et diverses techniques pour la récolte des fruits. La culture de la canneberge au Québec diffère beaucoup de celle pratiquée aux États-Unis, le plus grand producteur de canneberges au monde. Par exemple, les champs du Québec sont tous divisés de manière égale, ayant une superficie de plus ou moins 5 acres. Les champs sont réguliers et disposés de la même manière, ce qui facilite la récolte des fruits. Aux Etats-Unis, les champs sont plutôt irréguliers, tout lopin de terre pouvant être utilisé pour la production de canneberges. L’équipement employé pour la récolte diverge de celui des producteurs du Québec.
Avant les années 1930, la canneberge n’était pas ou peu connue au Québec parce qu’on ne la cultivait pas. On achetait alors les canneberges américaines à l’épicerie ou dans les marchés. Les migrations de populations ont peut-être amené les gens à découvrir ce fruit et à l'intégrer à l'alimentation du Québec. Aujourd’hui, le petit fruit rouge occupe une place de choix dans nos mets traditionnels. On le retrouve sous différentes formes, soit en gelée, en jus, séché ou nature. Cet ingrédient est utilisé dans les recettes de tartes, de muffins, de galettes ou autres. La canneberge possède de nombreuses propriétés nutritives, entre autres des antioxydants. Il y a donc un engouement de plus en plus grand pour ce fruit et une culture culinaire développée par les Québécois.
La réalisation de l’Inventaire des ressources ethnologiques du patrimoine immatériel a été rendue possible grâce à l’appui de nos partenaires.