Tressage de la babiche

Jean-Paul Lamirande

Artisan du tressage de la babiche pour les raquettes et fond de chaise et fabriquant de peaux de tambours

Forme d'expression

Intérêt patrimonial

La fabrication d’objets en babiche est une pratique développée par les Autochtones d'Amérique du Nord à partir de lanières de cuir vert et servant à la fabrication d'objets et d'outils utilitaires et décoratifs. Jean-Paul Lamirande est l’un des rares artisans d'Odanak qui travaille encore à produire des raquettes et des chaises en babiche.

Description de la forme d'expression


La babiche est un terme emprunté par les premiers colons français arrivés en Nouvelle-France aux termes amérindiens « sisibabish » et « assababish », qui signifie « lanière de cuir ». La babiche a longtemps été utilisée et appréciée pour sa résistance et son utilisation est bien diversifiée. On peut tresser des raquettes, mais également fabriquer des chaises, des outils de pêche et des vêtements. C’est ce qu’utilise Jean-Paul Lamirande, artisan de la réserve d’Odanak. Celui-ci fabrique des raquettes et des chaises en babiche, ainsi que des mocassins et des peaux de tambours à l’occasion. Pour réaliser ces objets, Jean-Paul Lamirande utilise les cuirs de chevreuil, de caribou, d’orignal et de vache.
La babiche est fabriquée à partir d’une peau d’un animal. L’artisan trempe la peau dans l’eau pour se débarrasser des poils. Le cuir est ensuite étiré pendant le séchage. Afin de fabriquer des lanières nécessaires au tressage, Jean-Paul Lamirande coupe la babiche en deux dans le sens de la longueur. Les morceaux ont entre 52 et 104 pieds, longueur idéale pour la confection de chaises et de raquettes. La peau doit être travaillée de façon à éviter la putréfaction, sans pour autant que soit finaliser le processus de tannage. La peau devient du cuir dit « vert » qui servira à la confection des tambours, des raquettes et des chaises. Pour la confection des vêtements, on procède plutôt au tannage complet de la peau afin qu’elle conserve sa souplesse. Toute la peau de l’animal est utilisée, puisque toutes les parties offrent différentes épaisseurs. Jean-Paul Lamirande parvient à tirer de très longues lanières sur d’assez petites peaux. Son secret réside dans la coupe de la lanière: les lanières sont tirées de la forme ovale du cuir, de manière à récupérer un maximum de longueur. Anciennement, on taillait la peau à l’aide d’un couteau artisanal sur un bloc de bois. Maintenant, on utilise plutôt l’exacto ou le ciseau sur une table de découpe pour tailler les peaux les plus minces. La peau doit être détrempée pour éviter d’être collante. L’artisan doit travailler sur une table de métal munie d’un système d’arrosage qui assurera un débit d’eau continu pour humidifier le cuir. Il sera alors plus facile de retourner la peau. Il est tout de même possible de s’adonner à la pratique sans toutefois avoir un équipement moderne, mais il faudra s’armer de patience.
Jean-Paul Lamirande fait tremper la babiche une dizaine d’heures avant de l’essorer et d’entreprendre le travail du tressage. Cela évite que le cuir soit éventé lors de la confection des différents objets. La tension et la solidité des lanières sont ensuite vérifiées, et s’il y a des sections fragiles, elles seront raboutées.
L’artisan doit porter une très grande attention lors de la fabrication de la raquette. S’il se trompe pendant l’étape du tressage, il doit corriger l’erreur avant que la babiche ne sèche, ce qui lui laisse peu de temps d’action. Idéalement, les parties plus minces du cuir seront utilisées sur les extrémités de raquettes. On utilise divers types de tressage pour différents modèles. Les raquettes sont adaptées pour les conditions météorologiques de l’hiver. Pour que celles-ci soient imperméables, elles doivent être laquées avec du vernis. Anciennement, l’artisan recouvrait la babiche avec de la gomme de sapin. Les raquettes devaient être gardées à l’intérieur pour éviter qu’elles ne soient endommagées par les oiseaux.
Le tressage de dossiers et de fonds de chaise nécessite une tension contrôlée et ajustée selon la pièce, puisque la babiche, qui rétrécit en séchant, exerce une pression qui peut casser les barreaux de la chaise. Une chaise bien fabriquée se conserve au minimum une quarantaine d’années. Les montants des chaises peuvent être conçue en frêne, un matériel très prisé par les Abénaquis. Un dossier de chaise peut prendre deux heures et demi à tresser. Une chaise complète prend entre une demi-journée et une journée complète, selon l’expérience de l’artisan.
Étant donné la complexité de la création de ces œuvres, Jean-Paul Lamirande préfère les produire sur commande. Il fabrique, également, sur mesure, des bottes hautes appelées bottes apaches, cousues avec du « sinou », une corde cirée et résistante. En plus de fabriquer des objets en babiche, Jean-Paul Lamirande confectionne des objets d’art sacrés. Ces œuvres d’art lui permettent de faire découvrir sa culture aux visiteurs. Il fabrique notamment des tambours, selon une technique très exigeante et difficile à réaliser. Ces tambours peuvent être utilisés lors de cérémonies durant lesquelles il est possible de guérir certaines maladies.
Jean-Paul Lamirande affirme que « le domaine de l’artisanat est imprévisible. Les contrats vont et viennent comme le vent. Il faut prévoir certains temps morts et s’ajuster en conséquence ». Il est donc préférable d’être le plus polyvalent pour survivre de l’art. L’important demeure la spécialisation de chacun. Ils peuvent alors s’entraider et collaborer pour la réalisation de certains projets.


Apprentissage et transmission


Jean-Paul Lamirande affirme que « le cuir est à la famille des Lamirande ce que le tressage de paniers est aux Abénaquis », ce qui démontre que le savoir-faire de l'artisanat du cuir est une affaire de famille. Il a appris à travailler la babiche par l’entremise de son grand-père, Olivier Obomsawin. Celui-ci avait comme outil de travail un simple couteau de poche avec lequel il pouvait découper jusqu’à cinquante pieds de lanières en très peu de temps. La technique de base consiste à manier le couteau de façon à aller chercher un certain angle, ce qui permet d’obtenir un mouvement continu dans les lanières découpées. C'est donc par l'observation que Jean-Paul Lamirande a appris la technique artisanale et en posant beaucoup de questions, car les aînés ne dévoilent pas facilement leurs secrets de métier.
Le grand-père de Jean-Paul Lamirande, Olivier Obomsawin, et sa grand-mère, Blanche Deblois, l’ont inspiré tout au long de sa vie, puisque ce sont eux qui l’ont élevé. Il a d’ailleurs baptisé son campement – qui lui sert de micromusée sur l’histoire des raquettes de toutes les nations – « Oliver Lodge », et sa boutique, « La Plume Blanche », en leur mémoire. Sa famille confectionnait divers objets artisanaux typiquement abénaquis. Sa mère, Hélène Obomsawin, exécutait le tressage du foin d’odeur et des paniers de frêne. Son père, Paul-Henri Lamirande, fabriquait aussi des raquettes et des fonds de chaises en babiche. C’est cependant surtout de son grand-père qu’il a appris le tressage de la babiche.
Jean-Paul Lamirande a été formateur dans le cadre d’événements. Il a aussi organisé des formations dans son atelier, abordant notamment les sujets des tambours et du tressage des raquettes. Il fait parfois des démonstrations bénévolement. Il a d'ailleurs été consultant de tressage de raquettes pour le film « Le survenant » avec Nicolas Verreault.
Pour l’instant, il n’est pas prêt à céder sa place. Malgré cela, il ne voit aucun inconvénient à partager son savoir. Transmettre son savoir est un honneur pour lui puisque cela permet de perpétuer la tradition abénaquise.

Historique général


Après avoir suivi différentes formations et travaillé dans plusieurs domaines, Jean-Paul Lamirande a décidé de revenir à ses sources et de travailler les lanières de cuir que l’on appelle « babiches ». Ayant travaillé à son compte la plupart du temps, il œuvre dans l’artisanat ainsi que dans le monde du spectacle. Il a aussi été guide de pêche.
Les artisans de la babiche sont de plus en plus rares. Ils ne sont plus qu’une dizaine à pratiquer dans tout le Québec. Sur cette dizaine, il doit rester dans la province environ huit tresseurs de raquettes et de fonds de chaises. La matière première de ces objets d’art se fait tout aussi rare, les tanneries fermant les unes à la suite des autres, ce qui ne facilite pas la tâche des artisans. La clientèle de Jean-Paul Lamirande provient de toute la province, mais surtout des environs du Centre-du-Québec, tels que Drummondville et Trois-Rivières. On peut reconnaître de quelle nation provient une raquette à partir du style utilisé par son concepteur.


Localisation complémentaire

  • Téléphone : 450 568-7261

Sources

  • Nom du facilitateur ou des facilitateurs : Valérie Roussel
  • Date d'entrevue : 2010-11-10
  • Nom de l'indexeur ou des indexeurs : Valérie Roussel

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