La cueillette de l'eau de Pâques à Saint-Venant-de-Paquette

Marc-André Inkell

Responsable, comité « Les amis du patrimoine de Saint-Venant-de-Paquette »

Forme d'expression

Intérêt patrimonial

Une fois par année, plusieurs citoyens et visiteurs, dont Marc-André Inkell, participent à un rituel consistant à recueillir de l’eau de Pâques dans un ruisseau de Saint-Venant-de-Paquette. Cette coutume, de même que les usages cette eau, se transmettent au fil des générations au sein des familles et entre les participants. Dans cette paroisse, la collecte est précédée d’une procession aux flambeaux et suivie de chants, de prières et d’une messe. Chaque année, quelques centaines de personnes perpétuent cette coutume.

  • Le comité "Les amis du patrimoine de Saint-Venant-de-Paquette" a acheté et restauré l'église. Des négociations ont eu lieux avec le diocèse de Sherbrooke afin de préserver le droit de culte dans l'édifice, devenus privé, et ainsi conserver au moins trois cérémonies religieuses par an, dont celle de l'eau de Pâques.

Description de la forme d'expression


La coutume de recueillir de l’eau de Pâques consiste à aller chercher de l’eau de source le matin de Pâques dans un laps de temps précis durant la nuit du samedi au dimanche, soit entre minuit et le lever du soleil. Cette eau est particulière, car elle aurait de nombreuses propriétés curatives. On lui accorde entre autres des pouvoirs de guérison. Ainsi, durant l’année, des gens ayant des blessures se frictionnent avec l’eau pascale afin de diminuer la douleur. L’eau de Pâques serait même le meilleur moyen d’atténuer l’enflure. Afin de profiter de ces vertus, plusieurs personnes boivent l’eau alors que d’autres se baignent directement à la source. L’importance et les vertus qui sont accordées à l’eau de Pâques diffèrent beaucoup d’une personne à une autre. Elles dépendent de la foi et des croyances que chacun lui accorde. Une vertu est cependant reconnue par tous : elle ne se corrompt pas. Cependant, les propriétés de l’eau de Pâques ne durent qu’un an, obligeant à en cueillir à nouveau l’année suivante. L’eau est recueillie à contrecourant dans une source d’eau courante, comme un ruisseau ou une rivière.

Dans le cas de Saint-Venant-de-Paquette, les participants recueillent leur eau dans le ruisseau Paquette. Ils arrivent à l’église du village très tôt le matin, soit de 2h30 à 3h00 du matin. L’église est ouverte toute la nuit afin de permettre aux participants de se recueillir. Certains participent à la collecte en famille ou en petit groupe. On retrouve des gens de tous les âges, surtout de jeunes enfants qui accompagnent leurs parents. Vers 4h15, le curé qui préside la cérémonie, accueille les cueilleurs à l’intérieur de l’église, plongée dans la noirceur. Il profite de l’occasion pour rappeler les éléments de la tradition religieuse liés à la pratique, puis c’est le départ du rituel. À l’extérieur de l’église, des bénévoles ont allumé plusieurs dizaines de flambeaux que les cueilleurs empruntent au passage. Immédiatement, les gens commencent la procession sur le chemin menant jusqu’au ruisseau situé à environ un kilomètre de l’église. À proximité du ruisseau, un grand feu est allumé. Les gens ayant terminé de récolter leur eau s’y rejoignent. Le curé commence alors à expliquer la symbolique du feu et il allume son flambeau à même l’immense feu de joie. La flamme en résultant servira à allumer le cierge pascal un peu plus tard durant la cérémonie. La récolte en tant que telle dure environ 30 minutes. Après quelques chants et prières, le groupe se remet en marche vers l’église. En entrant dans l’édifice, les gens reçoivent une bougie qui servira à éclairer la messe. Une fois tout le monde bien installé, le curé allume son cierge pascal avec la flamme qu’il a prise au ruisseau et, tout en avançant vers le chœur de l’église, il allume les chandelles des participants. Très rapidement, la lueur des chandelles suffit à éclairer l’intérieur de l’église. Durant la cérémonie, aucune autre lumière ne sera allumée jusqu’à ce que le soleil se lève et éclaire le lieu. La configuration de l’église joue également un rôle important dans la symbolique de la cérémonie.Lorsque le soleil entre, l’aménagement des lieux fait en sorte que les premiers rayons pénétrant dans le lieu de culte éclaire le crucifix qui est situé du côté latéral gauche du chœur. Ensuite, les rayons se déplacent vers le célébrant qui se tient en face de l’autel. 



La cérémonie qui se déroule à l’église est une messe de type chanté abordant la célébration de Pâques. La messe dure environ deux heures. L’un des moments forts de la cérémonie est lorsque le prêtre invite les participants à déposer quelques gouttes de leur eau dans le bac servant à recueillir les fonds baptismaux. Cette eau est bénie devant l’assistance et servira aux fidèles durant toute l’année. Une fois la messe terminée, les gens du village invitent tous les participants à une réception dans la salle communautaire située devant l’église. Plusieurs résidents profitent de l’occasion pour cuisiner des muffins ou des pâtisseries. Environ la moitié des habitants du village participent à l’activité. À ceux-ci s’ajoutent des touristes. La population totale peut tripler voire même quintupler lors de cette journée.

Apprentissage et transmission


La coutume se transmet de génération en génération. Sur place, plusieurs jeunes étaient présents accompagnés de leurs parents. Dans le cas de Marc-André Inkell, c'est son oncle qui lui a appris à recueillir de l'eau de Pâques durant son enfance. Il a par la suite transmis la pratique à ses enfants et maintenant, lorsqu'ils sont présents, Marc-André Inkell va chercher l’eau avec ses petits enfants.

Historique général


La cueillette de l’eau de Pâques est une pratique québécoise. On ne retrouve aucune trace de cette pratique ailleurs au Canada ni même de l’autre côté de l’océan. La coutume aurait débuté au XVIIIe siècle. À cette époque, les gens cueillaient de l’eau de source naturelle à diverses occasions durant l’année.

Malgré ce que l’on pourrait croire, l’eau de Pâques n’est pas issue d’une coutume religieuse. En fait, jusqu’au milieu des années 1960, les membres du clergé discréditaient la plupart du temps les croyances reliées à l’usage de l’eau miraculeuse auprès des fidèles. Aujourd’hui, la coutume est moins pratiquée qu’à l’époque, mais elle est tout de même connue dans la plupart des foyers québécois.

Localisation complémentaire

  • Adresse courriel : info@amisdupatrimoine.qc.ca
  • Site web : http://www.amisdupatrimoine.qc.ca
  • Lieu-dit : Paquetteville
  • Espace culturel : Musée-église de Saint-Venant-de-Paquette

Documentation

• CÔTÉ Réjean, Enquête sur l’eau de Pâques, travail effectué dans le cadre du cours ETN-12466 Coutumes et usages traditionnels, 1973, Archives de Folklore et d’ethnologie de l’université Laval, cote F1216, consultée le18 mars 2010
• BÉLANGER Marcel, Analyse d’une coutume; l’eau de Pâques, travail effectué dans le cadre du cours ETN-12466 Coutumes et usages traditionnels, 1967, Archives de Folklore et d’ethnologie de l’université Laval, cote F82, consultée le 18 mars 2010
• PAINCHAUD Martin, Rapport d’enquête; l’eau de Pâques, travail effectué dans le cadre du cour ETN-12466 Coutumes et usages traditionnels, 1973, Archives de Folklore et d’ethnologie de l’université Laval, cote F1212, consultée le 18 mars 2010
• LABELLE Ronald, Rapport d’enquête; l’eau de Pâques, travail effectué dans le cadre du cours ETN-12466 Coutumes et usages traditionnels, 1973, Archives de Folklore et d’ethnologie de l’université Laval, cote F636, consultée le 18 mars 2010
• JEAN Édith, Coutumes et usages traditionnels; l’eau de Pâques, travail effectué dans le cadre du cours ETN-12466 Coutumes et usages traditionnels, 1975, Archives de Folklore et d’ethnologie de l’université Laval, cote F615, consultée le 18 mars 2010
• BLACKBURN Colette, L’eau de Pâques, travail effectué dans le cadre du cours ETN-12466 Coutumes et usages traditionnels, 1975, Archives de Folklore et d’ethnologie de l’université Laval, cote F136, consultée le 18 mars 2010
• HARVEY Claudy, La tradition de recueillir de l’eau de Pâques se poursuit, La Tribune, publié le 13 avril 2009, consulté via cyberpresse : http://www.cyberpresse.ca/la-tribune/estrie/200904/13/01-846052-la-tradition-de-recueillir-de-leau-de-paques-se-poursuit.php

Sources

  • Nom du facilitateur ou des facilitateurs : Mathieu Allard et Catherine Fredette
  • Date d'entrevue : 2010-04-04
  • Nom de l'indexeur ou des indexeurs : Mathieu Allard

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